Les opposants à l’initiative populaire « Davantage de logements abordables » lancée par l’Association suisse des locataires (ASLOCA) et soumise au vote le 9 février prochain font feu de tout bois. On a droit au florilège habituel des qualificatifs vomis par une droite qui ne sert, comme toujours, que les intérêts de ceux qui ont déjà tout : selon eux, l’initiative est « extrême », « rigide », « étatiste », « inefficace »… Les importants moyens financiers dont ils disposent leur permettent d’envahir l’espace public pour tenter de modifier une opinion publique qui leur est défavorable, la Suisse étant avant tout un pays de locataires (59% en 2017). Ainsi, lorsque vous achetez un billet de tram à Genève, la propagande des milieux immobiliers s’affiche sur l’écran du distributeur – on sait donc pour qui roulent les TPG et on opte pour la marche ou le vélo…
Je laisse aux éventuels indécis le soin de consulter les arguments des initiants, ainsi que les nombreux témoignages de personnalités politiques ou de la société civile publiés sur le site de l’ASLOCA (voir aussi au bas de l’article). Je souhaite juste mettre l’accent sur le fait que les milieux de l’argent nous démontrent une fois de plus qu’ils n’en ont jamais assez.
L’initiative demande qu’une part de 10% des nouvelles constructions soient affectés au logement d’utilité publique. Si je compte bien, cela signifie que 9 nouveaux logements sur 10 continueront d’alimenter le marché de l’immobilier et d’offrir des gains substantiels aux promoteurs. Mais 90%, cela ne suffit pas à cette partie de l’humanité qui a érigé la prédation en valeur suprême, quels qu’en soient les coûts pour le reste de la société ou l’environnement. Ils veulent tout.
Outre une situation catastrophique en terme d’accès au logement, en particulier dans les villes, on peut attribuer à cette droite aliénée bien d’autres « réussites » : ainsi, l’augmentation perpétuelle des primes de l’assurance maladie obligatoire qui étrangle les familles, tout comme celles du trafic motorisé privé dans les agglomérations et des émissions de CO2 en général, la défense des intérêts de multinationales qui se comportent hors de Suisse comme de vulgaires bandes de pillards, le projet d’achat d’avions de guerre, le soutien aux industries d’armement et à l’exportation de matériel de guerre, la poursuite du délire nucléaire, l’invasion publicitaire, l’aliénation technologique, l’hyperconsommation, l’accroissement des inégalités, les projets de JO dont personne ne veut, les accords internationaux livrant nos vies au capital et aux multinationales… et, pour une partie d’entre eux, le repli nationaliste. Parce qu’ils rêvent d’un monde dans lequel tout s’achète et tout se vend, parce qu’ils n’ont aucune imagination, parce qu’ils ne sont là que pour servir inlassablement les intérêts des lobbies du monde de l’argent.
Pour en revenir à la question du logement, je rappelle que, selon l’Office fédéral de la statistique, la pauvreté touche de manière durable en Suisse 8.2% de la population, soit 675’000 personnes (chiffres de 2017). Malgré des revenus modestes, cette population a le droit d’être logée convenablement, pour un coût supportable. Le logement constitue en effet un droit fondamental, tant du point de vue de la Déclaration universelle des droits humains (Art. 25) que de celui de la Constitution Fédérale (Art. 41). Ainsi, il est non seulement légitime mais également obligatoire que les collectivités publiques s’organisent pour garantir l’accès au logement à tous, y compris aux populations les plus précarisées.
Il est sans doute vrai que la problématique de l’accès au logement ne se pose pas tout à fait de la même manière à la campagne ou dans les grandes villes, mais nous devons néanmoins disposer d’un outil législatif pour le garantir sur tout le territoire. Par ailleurs, si les milieux immobiliers n’avaient de cesse d’attaquer systématiquement les droits des locataires aux quatre coins du pays, une solution plus différenciée aurait peut-être pu être trouvée.
Enfin, même si, comme le prétendent (sans doute à tort) les opposants, l’initiative devait conduire à une offre légèrement excessive en logements bon marché, par rapport à la situation économique des locataires, nul doute que bien des personnes seraient très heureuses de pouvoir réduire leur temps de travail, afin de mieux s’occuper de leurs enfants, de leurs proches ou, tout simplement, de prendre soin de leur santé et de profiter de la vie – tout en renonçant aux artifices de l’hyperconsommation tels que la bagnole, la télé et les gadgets numériques, les voyages en avion, les « loisirs » payants et tout le foutoir inutile autant que polluant qui remplit les rayons des magasins.
Il est temps de retourner à l’essentiel, au-delà de tous les messages aliénants qu’on nous assène à longueur de vie.
Pour la justice sociale, pour la qualité de la vie et contre tous les prédateurs, votons OUI le 9 février à l’initiative « Davantage de logements abordables ».
Projection gratuite à Genève le 30 janvier à 19 heures :
PUSH, « une enquête de Fredrik Gertten sur la pénurie de logements abordables qui frappe le monde. Le constat est simple: où que l’on se trouve, quelle que soit la ville, il est de plus en plus difficile (si ce n’est quasiment impossible) de trouver un logement à un prix décent. Et alors qu’avoir un toit est une des conditions sine qua non à la santé, le droit fondamental de se loger déserte peu à peu certaines parties du monde. » (source)
Autres liens sur la pauvreté en Suisse :
Caritas
« La pauvreté a progressé de 10% en un an« , 24 Heures (17.12.19)
Extraits de la FAQ sur le site de l’ASLOCA (source) :
1. « Qui est responsable de ces loyers excessifs ?
Les responsables de ces loyers sont des spéculateurs immobiliers qui scrutent sans scrupule les plus hauts rendements. Les locataires en supportent les effets. Certains sont parfois congédiés par immeubles entiers. Pour des transformations de prestige flanquées de hausses massives des loyers, des gens qui habitent là depuis des années sont mis à la rue. Ne pouvant se permettre ces dépenses, beaucoup se voient contraints de quitter leur quartier ou même la ville. »
2. « Pourquoi les loyers n’ont-ils pas diminué malgré des taux très bas ?
Lorsque le taux hypothécaire de référence diminue, les locataires peuvent exiger une baisse de loyer de leur bailleur. Et ce dernier doit accorder la réduction, calculée à partir de la dernière modification du loyer. Le taux de référence diminue constamment depuis 2008. Mais en réalité, les loyers n’ont cessé de grimper depuis le début des années 90. Une étude publiée par la banque Raiffeisen révèle qu’ils sont aujourd’hui 40% supérieurs à ce qu’ils devraient être, si le droit du bail était correctement appliqué. Si les bailleurs avaient répercuté toutes les baisses du taux d’intérêt depuis 2008 sur les locataires, un ménage moyen paierait quelque 3000 francs de loyer en moins chaque année. Depuis 2008 au total, 7 milliards de francs d’intérêts que les propriétaires n’ont plus dû payer manquent dans les poches des locataires. C’est une redistribution financière gigantesque des locataires en faveur des propriétaires. »